
Un tournant vers l’électrification et l’efficacité énergétique
4 mars
2025
Le 65èmearrêté CEE, paru le 31 décembre 2024, a introduit une évolution majeure au dispositif des certificats d’économie d’énergie : le passage à une méthode de calcul des économies d’énergie dite « en énergie finale intégrale ». Cette évolution vise à mieux refléter les économies réelles d’énergie et à encourager davantage les projets d’électrification et d’efficacité énergétique, un impact positif pour les industriels. Explications.
Forfait et situation de référence
Pour bien appréhender cette notion, il convient tout d’abord de rappeler que les CEE reposent sur un forfait d’économie d’énergie correspondant à chaque opération d’efficacité énergétique. Ce forfait est exprimé en kilowattheure cumac (kWhc), pour « cumulé et actualisé ». Il représente la somme des économies d’énergie qui seront réalisées tout au long de la durée de vie de l’équipement ou du service proposé [1].
Ce forfait d’économie d’énergie est conventionnel, c’est-à-dire qu’il représente non pas la différence entre la consommation mesurée avant et après les travaux d’efficacité énergétique, mais la différence de consommation entre la situation de référence considérée et la consommation estimée – sur la base de critères techniques – après réalisation de l’opération d’économie d’énergie.

La notion d’additionnalité est en effet au cœur du dispositif des CEE : les actions entreprises doivent nécessairement aller au-delà des exigences de performance fixées par la réglementation. Ce faisant, la détermination de la situation de référence, prévue par l’article R. 221-16 du code de l’énergie, va être déterminante dans la quantification des économies d’énergies liées à une opération. Elle correspond à l'état technique et économique du marché du produit ou du service à la date la plus récente pour laquelle des données sont disponibles.
A titre d’exemple, depuis le 1er janvier 2025, seules les opérations liées à des GTB de classe A et B sont éligibles aux CEE (fiche BAT-TH-116) car la réglementation, en l’occurrence le décret BACS, prévoit que l’ensemble du parc doit être équipé d’une régulation de classe C.
[1] Selon un taux d’actualisation fixé à 4% par an
Passage à l’énergie finale intégrale
Depuis la création du dispositif des CEE à la faveur de la loi POPE de 2005, la méthodologie appliquée pour calculer les économies d’énergies liées à une opération d’efficacité énergétique reposait sur la méthode dite en « énergie finale de la situation de référence » (EFS). Ainsi, dans le cas d’une opération impliquant un changement de vecteur d’énergétique, on calculait les économies d’énergie sur la base du niveau de consommation après-travaux exprimé en énergie de la situation de référence. Dit autrement, dans le cas d’une opération d’électrification, on traduisait la consommation d’électricité après travaux en consommation de gaz :
- Economie d’énergie (EFS) = (consommation de gaz naturel de la situation de référence) – (consommation de gaz naturel virtuellement nécessaire pour parvenir à la production d’électricité consommée après travaux).
Cette méthode, qui reposait pour les fiches d’opérations standardisées sur l’application du coefficient de conversion en énergie primaire, contribuait à minorer les économies induites par des opérations d’électrification, puisque la consommation d’électricité après-travaux était convertie en équivalent fossile.
Le 65ème arrêté CEE a introduit le passage à la méthode dite en « énergie finale intégrale », c’est-à-dire que les économies d’énergie seront désormais simplement mesurées comme la différence entre la consommation de la situation initiale et la consommation après-travaux, ce qui contribuera à accroitre de manière significative le volume des économies d’énergie réalisées :
- Economie d’énergie (EFI) = (consommation de gaz naturel de la situation de référence) – (consommation d’électricité après travaux).
Ce passage en énergie finale intégrale s’appliquera à toutes les fiches qui seront désormais nouvellement créées ou révisées, dès lors qu’elles impliquent un changement de vecteur énergétique.

Source ACCIONA Energía
Quid des opérations spécifiques ?
A la différence des opérations standardisées, auxquelles sont associées un volume forfaitisé d’économies d’énergie, les opérations spécifiques ne sont pas réplicables et les volumes d’économies d’énergie doivent être mesurées isolément au regard de la situation de référence propre à chacune d’elles. Si la méthodologie appliquée jusqu’à présent pour les opérations spécifiques était également la méthode dit en « EFS », elle reposait non sur l’application du coefficient de conversion en énergie primaire mais sur l’application du coefficient de rendement de référence pour la production séparée d'électricité et de chaleur, dont la liste pour les différents combustibles est fixée dans un règlement communautaire[2].
Le passage en EFI pour les opérations spécifiques est en cours d’examen par les pouvoirs publics et pourrait intervenir courant 2025, sinon vraisemblablement au plus tard pour le démarrage de la sixième période du dispositif.
[2] Règlement n°2015/2402 du 12 octobre 2015 révisant les valeurs harmonisées de rendement de référence pour la production séparée d'électricité et de chaleur
Concrètement, quels sont les impacts pour les industriels ?
Le passage en EFI va conduire à faciliter les opérations d’électrification - notamment dans l’industrie et les transports - dans la mesure où le calcul des économies d’énergie après-travaux ne sera plus dégradé par la conversion en énergie finale de la situation de la référence. Cela va donc accroître les forfaits et le volume de CEE qui seront générés chaque année, à hauteur d’environ quelques 60 TWhc supplémentaires par an, rapportables à la Commission européenne[3]. Corrélativement, l’ampleur des bonifications devrait être réduite.

A titre d’exemple, si l’on prend l’exemple de la fiche IND-UT-137 relative à la mise en place d’un système de pompe(s) à chaleur en rehausse de température de chaleur fatale récupérée, la différence est tout à fait notable :
- Le forfait avait initialement été calculé en EFS, impliquant une minoration de celui-ci de par l’application du coefficient de conversion en énergie primaire :
Volume de CEE = 10,986 x (Q – 1,9 x Eélec)
- Le passage en EFI à la faveur du 65e arrêté permet d’accroître le forfait de CEE via la suppression de l’application de ce coefficient :
Volume de CEE = 10,986 x (Q – Eélec).
Où Q (en kWh/ an) est l'énergie thermique annuelle fournie sous forme de chaleur en sortie du système et Eélec (en kWh/ an) est l'énergie électrique annuelle absorbée par le système, qui est la somme des énergies électriques absorbées par le ou les compresseur (s) et les auxiliaires.
[3] Copil CEE du 29 février 2024
Vous souhaitez exploiter votre chaleur fatale mais ne savez pas par où commencer ?
Nos professionnels sont à votre écoute !