Le marché carbone en bref
Dans l’espace européen, le SEQE – ou marché carbone – s’applique à 31 pays, plus de 11 000 sites industriels (production d’électricité, aviation, réseaux de chaleur, acier, ciment, raffinage, verre, papier, etc.) et couvre près de 45 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’Union européenne. Ce marché carbone est une des pierres angulaires de la politique énergie-climat européenne.
Régi par la directive 2003/87/CE de la Commission européenne, le système d’échange de quotas d’émission de carbone (SEQE) est un marché carbone européen au sein duquel les assujettis ont l’obligation de mesurer leurs émissions de gaz à effet de serre qu’ils restituent aux autorités sous forme de quotas d’émissions dans l’objectif de les réduire.
Le SEQE s’applique à certaines installations industrielles depuis 2005, aux exploitants d’aéronefs depuis 2013 et, depuis 2024, aux compagnies maritimes. Dans le cadre du renforcement de l’ambition européenne pour le climat, l’introduction de la réforme du marché carbone dans le cadre du paquet « Fit for 55 » a relevé les objectifs des installations couvertes par le SEQE avec une réduction nette des émissions de gaz à effet de serre de l’ordre de 62 % en 2030 par rapport à 2005, contre 43 % actuellement (voir la directive 2023/959 révisant l’ETS).
Le déploiement du SEQE européen obéit à plusieurs phases :
- 1re phase de trois ans (2005-2007) : cette première phase, dite « pilote », encadrée par la directive 2003/87/CE de la Commission européenne, visait à établir un prix du carbone et des quotas nationaux avec l’allocation à titre gratuit des quotas d’émission de gaz à effet de serre
- 2e phase de cinq ans (2008-2012) : cette deuxième phase, dite « d’apprentissage » concorde avec l’application du protocole de Kyoto. Elle s’est traduite par une diminution du plafond d’émission et le maintien du système d’allocation des quotas à titre gratuit.
- 3e phase de huit ans (2013-2020) : cette troisième phase introduit le principe de la mise aux enchères des quotas et maintient le système d’allocation à titre gratuit pour certaines installations. Le système d’échange de quotas d’émissions devient plus contraignant, avec un objectif de réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre en 2020, par rapport aux niveaux de référence de 1990.
- 4e phase de dix ans (2021-2030) : cette phase vise à renforcer davantage le SEQE, notamment avec le retrait progressif des quotas alloués à titre gratuit à partir de 2026 jusqu’à leur disparition totale en 2034.
Les quotas carbone, comment ça marche ?
- Les États membres imposent un plafond d’émissions de gaz à effet de serre aux installations soumises au SEQE, puis leur allouent à titre gratuit les quotas correspondants. Pour atteindre les objectifs de réduction des émissions, chaque année, le nombre total de quotas alloués gratuitement diminue.
- Les quotas sont alloués à titre gratuit ou par enchères aux installations concernées. Les revenus de ces enchères étaient à présent redistribués aux États membres pour être utilisés au moins à 50 % dans des actions en faveur du climat et de l’environnement. À compter de 2024, sous l’effet de la révision de la directive ETS dans le cadre du Pacte vert, la totalité des recettes ou "l'équivalent en valeur financière de ces recettes" devra être fléchée – à l’exception des recettes utilisées pour la compensation carbone - vers des dépenses pour le climat.
- Les entreprises soumises au SEQE sont tenues de restituer chaque année un quota d’émission par tonne de CO2éq réellement émis l’année précédente, sinon elles s’exposent à de lourdes amendes.
-
Les entreprises assujetties aux quotas carbone ont ainsi la possibilité d’échanger des quotas sur le marché carbone pour s’ajuster à leurs besoins réels :
- une installation qui émet plus de gaz à effet de serre que son allocation doit acheter les quotas manquants : c’est le principe pollueur-payeur ;
- une installation qui émet moins de gaz à effet de serre que son allocation peut revendre ses quotas non utilisés aux autres entreprises et bénéficier ainsi d’une source de revenus.
La quasi-totalité des quotas étaient alloués à titre gratuit par les États jusqu’en 2012. Depuis le début de la phase 3 en 2013, plus de la moitié des quotas sont échangés sur le marché carbone par les États via un système d’enchères, l’objectif à terme étant de faire disparaître l’allocation de quotas gratuits pour définir un prix du carbone sur le marché.
Cependant, afin de prévenir tout risque de perte de compétitivité des industriels européens face à des concurrents qui n’auraient pas les mêmes contraintes réglementaires, l’allocation de quotas à titre gratuit et la compensation des coûts indirects des quotas de CO2, également appelée aide "compensation carbone", sont maintenues pour les industriels dont la production est la plus exposée à la concurrence internationale.
Ces quotas gratuits seront toutefois retirés progressivement à partir de 2026, tout d’abord à un rythme lent jusqu’en 2029 pour permettre aux industriels d’adapter leur outil de production, puis à un rythme plus soutenu à partir de 2030 avec l’objectif d’un retrait total en 2034.
Pour protéger les industriels européens qui seront de facto impactés par la hausse attendue du prix du carbone – les 6 secteurs concernés : fonte, fer et acier ; aluminium ; ciment ; engrais azotés ; hydrogène et production d’électricité – l’Union européenne a lancé le 1er octobre 2023 la phase transitoire du Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF ou CBAM en anglais) en amont de son application effective en 2026. Lors de cette phase transitoire, qui court jusqu’à la fin de l’année 2025, les entreprises important des marchandises couvertes par le règlement MACF ont pour obligation de réaliser un reporting trimestriel des émissions de carbone liées à leurs importations. Grâce au MACF, la taxe carbone sera étendue aux entreprises exportant dans l’Union européenne afin d’éviter toute distorsion de concurrence au détriment des industriels européens.
À noter enfin que la directive de 2023 révisant l’ETS prévoit l’instauration, à compter de 2027, d’un SEQE distinct mais parallèle pour les émissions issues de combustibles générées par les secteurs du bâtiment et du transport routier. Toutefois il pèsera sur les distributeurs les plus en amont du réseau de distribution de carburants - également appelés « metteurs à la consommation » - ainsi que sur les fournisseurs de combustibles, mais non pas sur les consommateurs finaux.
Zoom sur l'aide "compensation carbone"
L’aide dite compensation carbone ou compensation des coûts indirects du carbone est subventionnée par l’État. Elle permet de soutenir la compétitivité de certains secteurs industriels fortement impactés par le prix de l’énergie.
Êtes-vous éligible ? Quelles sont les démarches pour bénéficier de cette aide ? Gauthier Collomb vous répond dans une courte vidéo.
Quel est le lien avec le PNAQ ?
Le PNAQ est le plan national d’affectation des quotas que chaque État membre doit élaborer depuis 2005 pour mettre en place son marché carbone.
En France, il a été initié par le ministère de l’Écologie et du Développement durable en concertation avec le ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie. Le PNAQ I a ensuite été validé en 2004 par la Commission européenne. Ses différentes phases suivent celles du SEQE. La 4e phase du PNAQ a ainsi été lancée en 2021 et restera en vigueur jusqu’en 2030.
Le PNAQ définit la quantité de tonnes de CO2 - ainsi que de protoxyde d’azote (N2O) pour certains secteurs chimiques et d’hydrocarbures perfluorés (PFC) pour l’aluminium - que les entreprises du pays sont autorisées à émettre. Les quotas sont calculés en fonction des prévisions de croissance des secteurs concernés et des gisements de réduction des émissions de gaz à effet de serre, puis répartis proportionnellement entre les différents acteurs.
En France, en cas de non-respect des quotas alloués, l’exploitant est mis en demeure par la préfecture de se mettre en conformité dans un délai d’un mois. En l’absence de mise en conformité, les pénalités se chiffrent à 100 euros par tonne de CO2 manquante.
Quelles sont les entreprises concernées ?
Les entreprises soumises au SEQE-UE 4 (PNAQ 4) sont :
- Les installations ayant une activité de production d’électricité ou de chaleur,
- Les secteurs industriels à forte intensité énergétique, notamment les raffineries de pétrole, les aciéries et la production de fer, d’aluminium, de métaux, de ciment, de chaux, de verre, de céramique, de pâte à papier, de papier, de carton, d’acides et de produits chimiques organiques en vrac,
- Les entreprises produisant de l’acide nitrique, acide adipique, glyoxal et acide glyoxylique,
- Les producteurs d’aluminium,
- Les exploitants d’aéronefs commerciaux au sein de l’Espace économique européen,
- Les compagnies maritimes depuis 2024 pour les émissions émises lors de voyages intracommunautaires et dans les ports de l’UE à hauteur de 100 %, ainsi que 50 % des émissions des voyages entre l’UE et un port situé à l’extérieur de l’Union.
Consultez la liste des entreprises assujetties pour la 4e période du SEQE en cliquant ici
Des opérations CEE spécifiques pour les installations soumises au PNAQ !
Avant 2019, les installations soumises au système européen de quotas d’émission (SEQE-UE) pouvaient bénéficier d’une aide financière au titre du dispositif des Certificats d’Économies d’Énergie (CEE) uniquement pour les opérations n’ayant aucun impact sur les émissions de gaz à effet de serre.
La réglementation a évolué, l’éligibilité au dispositif des CEE des installations soumises au SEQE-UE est désormais étendue à d’autres actions d’économie d’énergie sous certaines conditions.
Les impacts du SEQE à date
Le SEQE-UE a prouvé son efficacité pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de manière rentable. Les données parlent d’elles-mêmes : les installations assujetties au SEQE ont réduit leurs émissions nettes de 43 % entre 2005 et 2021, soit près de 1 100 millions de tonnes de CO2 équivalent[1]. Avec l’adoption du paquet « Fit for 55 » et l’introduction de la réforme du marché carbone, les objectifs ont été revus à la hausse et pour s’établir à une réduction de 62 % pour les installations couvertes par le SEQE.
[1] Source : Données Chiffres clés du climat – France, Europe et Monde – Édition 2023