
CEE : les nouveautés apportées par la 6ème période (2026-2030) du dispositif
13 novembre
2025
Depuis sa création il y a 19 ans, le dispositif des Certificats d’Économies d’Énergie (CEE) est l’un des piliers de la réduction de la demande en énergie et de la transition énergétique française. Son principe repose sur une obligation des fournisseurs d’énergie, fixée par période pluriannuelle, de financer des actions d’économies d’énergie. Ce mécanisme donne aux entreprises l’opportunité de mener à bien des projets d’efficacité énergétique ambitieux soutenus par des primes CEE.
Après plus de deux ans de concertation et plusieurs arbitrages, le décret publié au Journal Officiel le 4 novembre 2025 marque le coup d’envoi de la 6ème période des CEE, ou P6, qui s’étendra du 1er janvier 2026 au 31 décembre 2030. Des évolutions techniques et réglementaires majeures sont introduites par cette nouvelle période pour renforcer le dispositif et atteindre les objectifs climatiques européens et nationaux. Décryptage.
Quel niveau d’obligation pour la 6ème période CEE ?
Une obligation annuelle en hausse
Le niveau d’obligation de la 6ème période CEE est porté à 1 050 TWh cumac par an, soit une hausse de 27 % par rapport à la période actuelle. Cette augmentation est cohérente avec les objectifs français et européens de réduction des consommations d’énergie finale. La directive relative à l’efficacité énergétique, révisée en 2023 dans le cadre du Paquet climat, a en effet porté de 20 à 30 % l’objectif de réduction de consommation d’énergie finale d’ici à 2030, par rapport à 2012.
Sur ce volume, 280 TWh cumac devront être réalisés auprès des ménages en situation de précarité énergétique. Le coefficient d’obligation précarité, qui détermine la proportion de CEE destinés à cette catégorie de ménages, est abaissé de 0,620 à 0,364.
Enfin, pour la première fois, la période s’étendra sur cinq ans, afin de s’aligner avec les périodes de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE).
Comment l’obligation de la P6 CEE est-elle répartie entre les obligés ?
L’obligation d’économie d’énergie assignée à chaque obligé, par année civile, est la somme de ses ventes ou mises à la consommation excédant le seuil, multipliée par les coefficients d’obligation correspondant au type d’énergie vendue. Dans le cadre de la 6ème période CEE, ces coefficients d’obligation par type d’énergie ont été rehaussés. Leur révision repose sur trois éléments :
- Les volumes de ventes d’énergie observés entre 2021 et 2023,
- Des projections de consommation énergétique issues de la PPE3 (Programmation pluriannuelle de l’énergie),
- La proportion d’obligation “précarité” par rapport à l’obligation "classique".
Cette méthodologie conduit notamment à une augmentation de la part allouée aux fournisseurs d’électricité, en raison de la place croissante de cette énergie dans le mix énergétique à horizon 2030. Cette évolution reflète les tendances structurelles du marché et les priorités de la transition énergétique. Globalement, la hausse des coefficients classiques est conséquente par rapport à la 5ème période CEE (P5).
|
Energie |
Coefficient P5 |
Coefficient P6 |
Unité |
|
Fioul domestique |
5 197 |
11 078 |
kWhc/m3 |
|
Carburants |
5 040 |
8 718 |
kWhc/m3 |
|
Gaz de pétrole liquéfié carburant (GPLc) |
6 306 |
10 088 |
kWhc/t |
|
Chaleur et froid |
0,313 |
0,358 |
kWhc/kWh |
|
Electricité |
0,478 |
0,731 |
kWhc/kWh |
|
Gaz de pétrole liquéfié (GPL) combustible |
0,530 |
0,904 |
kWhc/kWh PCS |
|
Gaz naturel |
0,485 |
0,827 |
kWhc/kWh PCS |
Quels sont les objectifs et enjeux de la 6ème période des CEE ?
Les CEE comme fer de lance pour atteindre les objectifs d’efficacité énergétique nationaux
La 6ème période des CEE s’inscrit dans un contexte européen particulièrement ambitieux. La directive européenne sur l’efficacité énergétique (DEE), révisée en 2023, fixe pour 2030 des objectifs exigeants :
- Réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990,
- Baisse de 11,7 % de la consommation d’énergie finale par rapport à 2020
- Augmentation de la part des énergies renouvelables, portée à 42,5 % de la consommation finale brute en 2030.
Ces objectifs doivent être atteints au 31 décembre 2030, date qui correspond à la fin de la 6ème période des CEE. Le dispositif des CEE constitue le principal levier pour y parvenir, ce qui confère à cette période un enjeu stratégique majeur.
Pour les entreprises, c'est l'assurance de voir les primes CEE continuer à jouer un rôle important dans le financement de leurs projets d’efficacité énergétique.
Les objectifs du gouvernement pour la 6ème période CEE
Le gouvernement affiche trois priorités pour cette période [1].
Renforcer la lutte contre la fraude à la rénovation énergétique
Dans le cadre de cette 6ème période CEE, le projet de loi de finances initiale (PLF) 2026 prévoit la création d’une vingtaine d’emplois supplémentaires au sein de la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), pour renforcer les contrôles et permettre la pleine mobilisation des nouveaux outils techniques et humains dédiés à la lutte contre la fraude.
Le dispositif s’est déjà renforcé pour lutter contre la fraude au cours des dernières années. Selon les chiffres du rapport annuel des CEE pour l’année 2024, le bilan des actions de contrôles et de lutte contre la fraude pour 2024 est parlant :
- + 6 000 opérations (14 TWhc) de contrôles sur site par le Pôle national des certificats d'économies d'énergie (PNCEE)
- 2,97 TWhc annulés
- 8,9 M€ d’amendes, soit 30 % des sanctions pécuniaires prononcées depuis 2015
Maintenir l'ambition écologique tout en soutenant les ménages précaires et modestes
Le gouvernement souhaite continuer à soutenir les ménages précaires et modestes dans la lignée des nouveautés qui ont été mises en place au cours de l’année 2025, concernant notamment les transports et l’industrie :
- Prolongation du programme PACTE Industrie;
- Lancement du programme PACTE Entreprise ;
- Lancement du programme CEE « Location sociale de voitures électriques » ;
- Bonification de la fiche d'opération standardisée relative à l'achat ou la location d'un véhicule léger électrique neuf pour les ménages en situation de précarité énergétique (x9 à x12) et pour les ménages modestes (x12 à x15)
Améliorer l'efficience des CEE
Pour atteindre cet objectif, le gouvernement mise sur deux leviers :
- Renforcer la transparence des opérations en rendant obligatoire leur déclaration dès leur engagement, et en collectant des données complémentaires dans le cadre de ces opérations pour un suivi plus précis.
- Optimiser les fiches d’opérations standardisées du dispositif grâce à une analyse systématique des critères de temps de retour sur investissement (TRI) et de taux de couverture lors de chaque création ou révision.
Ce second levier est déjà entré en action : en juillet 2025, 10 fiches d’opérations standardisées ont été supprimées, illustrant la volonté du gouvernement de ne plus financer les actions d’économies d’énergie dont le TRI, après déduction de l’aide CEE, est inférieur à 3 ans.
Plusieurs changements réglementaire renforcent l’encadrement de cette 6ème période CEE
- Dans le sillage de la loi « Cazenave » relative à la lutte contre les fraudes aux aides publiques, les seuils franchise - seuils en dessous desquels les ventes des fournisseurs ne donnent pas lieu à obligation - sont abaissés pour les produits pétroliers :
- pour le Fioul domestique : de 1000 à 500 m3 ;
- pour les carburants : de 7000 à 500 m3 ;
- pour le GPLc : 7000 à 2000 tonnes (vs. 500t initialement envisagé).
- Doublement des seuils de délégation : ce sera désormais 300 GWhc pour la délégation totale et 2 TWhc pour la délégation partielle.
- Absence de lien capitalistique direct ou indirect entre la personne cédante, le premier détenteur, ses mandataires, les bureaux de contrôle et les professionnels intervenus dans la réalisation de l'opération. La traduction effective sera matérialisée dans l'arrêté modalités à paraitre d’ici la fin de l’année et sera applicable aux contrats de cession conclus après le 1er janvier 2026 et pour des CEE délivrés après cette date.
- Pour les CEE délivrés à compter de 2026, annulation automatique après 12 ans.
Quelles étaient les modalités de la 5ème période CEE ?
La 5ème période CEE, dans laquelle nous nous trouvons actuellement, s’étend du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2025. Le niveau d’obligation avait initialement été fixé à 2 500 TWh cumac, puis relevé en octobre 2022 à 3 100 TWh cumac.
Où se trouvent les gisements d’économies d’énergie ?
Les gisements prioritaires identifiés pour cette nouvelle période se situent majoritairement dans les secteurs des transports, de l’industrie et du tertiaire.
Le dispositif conserve une forte capacité d’adaptation : les fiches d’opérations standardisées évoluent régulièrement pour s’ajuster aux gisements réels et aux gestes les plus efficaces. Plusieurs projets de nouvelles fiches sont actuellement à l’étude. Cette flexibilité est essentielle pour garantir le fait que les CEE restent un outil pertinent face aux évolutions technologiques et aux besoins des entreprises et particuliers.
Quel est l’impact des programmes et bonifications sur les obligations de la 6ème période CEE ?
Les modalités de la 6ème période CEE laissent voir un recul relatif dans l'encadrement des bonifications. Alors qu'elles étaient plafonnées à 25 % du volume délivré durant la 5ème période, elles seront désormais fixées de façon à permettre le respect des objectifs de la directive relative à l'efficacité énergétique. La publication attendue de la doctrine « bonifications » par l’administration permettra de préciser cette nouvelle approche.
Quant aux programmes, ils seront plafonnés à 500 TWhc pour cette 6ème période CEE (soit 9,5 % de l’obligation total versus 11,5 % pour la P5, sur la base d'une obligation annuelle à 1 050 TWhc/an en P6), même s’il faudra attendre la parution de la doctrine « programmes » pour mesurer précisément les évolutions en P6.
Plusieurs bonifications seront prolongées selon des modalités encore à préciser d’ici le début d’année par voie d’arrêté :
- Bonification pour les contrats de performance énergétique (CPE) ;
- Coup de pouce « Chauffage » ;
- Coup de pouce « Chauffage des bâtiments résidentiels collectifs et tertiaires » ;
- Coup de pouce « Rénovation d’ampleur des maisons et appartements individuels » ;
- Coup de pouce « Rénovation performante de bâtiment résidentiel collectif » ;
- Bonifications pour les transports ;
- Bonifications pour la chaleur fatale dans l’industrie ;
- Bonification pour les zones non interconnectées.
CEE : quels changements pour votre entreprise avec la 6ème période ?
La publication du décret encadrant la 6eme période des CEE marque une étape décisive, mais de nombreux textes d’application restent attendus pour préciser les modalités pratiques de cette P6 et les nouvelles règles de production des certificats. Les enjeux sont élevés : cette 6ème période devra conjuguer ambition écologique, efficacité économique et fiabilité opérationnelle afin de faire des CEE un outil durable au service de la transition énergétique.
Pour les entreprises, anticiper dès maintenant les évolutions du dispositif CEE vous assure de sécuriser vos projets et d’augmenter les opportunités apportées par ce dispositif.
Concrètement, il est essentiel pour les entreprises du secteur industriel et tertiaire de revoir leur portefeuille d’opérations éligibles CEE, d’anticiper les évolutions réglementaires à venir (décret tertiaire, décret BACS…) et de renforcer leurs partenariats avec des délégataires expérimentés comme ACCIONA Energía.
[1] Communiqué de presse du gouvernement, 4 novembre 2025








